Par définition, la culture du viol est un environnement dans lequel la dépravation est normalisée à cause de comportements sociétaires qui concernent les genres et la sexualité.
Même si le terme a été généré récemment, il se réfère à des « traditions » déjà existantes au Moyen Âge et même avant. De nombreux mythes classiques vantent les accouplements forcés et violents. Notre histoire regorge d’exemples de héros masculins qui se distinguent par leurs prouesses sexuelles et de femmes mises à mort pour être coupables d’avoir été violées ; ces récits sont à la base de la culture du viol.
Dans la communauté Nguni au Sud de l’Afrique, il y a un rituel de mariage appelé Ukuthwala, dans lequel un jeune homme doit enlever une fille pour convaincre (ou obliger) la famille à approuver le mariage et à commencer les négociations. Des rituels similaires sont pratiqués dans des communautés au Kenya, au Rwanda et en Éthiopie. Ces États ont interdit aux époux d’avoir des rapports sexuels avec les épouses enlevées. Cependant, l’interdiction est difficilement respectée.
À l’intérieur d’autres communautés africaines, comme en Mauritanie et en Somalie, la femme violée, est coupable et punie de différentes façons : la peine la plus fréquente est le mariage dit « réparateur », qui consiste à obliger la victime à épouser son bourreau. On a aussi différents témoignages de condamnation à mort. La majorité des États africains n’a pas une législation efficace contre les viols, et même s’il y en a une, les procès sont rares.
Cette culture porte à d’autres formes de violences sexuelles, comme les « enfants épouses » : en Afrique, l’âge de consentement est compris entre 12 et 18 ans, mais, comme on a vu précédemment avec les lois contre le viol, ces règlements sont difficilement suivis.
La violence sexuelle a de profondes répercussions sur le bien-être physique des victimes : grossesses non désirées, troubles gynécologiques, maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/SIDA et mortalité maternelle.
Le VIH est un virus, qui peut rester asymptomatique pendant plusieurs années, il est souvent contracté lors de rapports sexuels non protégés et détruit progressivement le système immunitaire de la personne infectée. On parle de SIDA lorsque le malade présente des manifestations graves liées à un système immunitaire compromis : infections, cancers…
Le VIH peut être contracté même si les femmes ont subi des mutilations génitales, des interventions, consistants à éliminer totalement ou partiellement les organes génitaux externes. Ce type de violence est imposé dans plus de 30 pays africains sur des jeunes filles entre leur enfance et l’âge de 14 ans, pour des raisons autres que thérapeutiques : sexuelles, sociales, religieuses… Cette forme de traumatisme physique peut entraîner des hémorragies et des infections parfois mortelles.
Les grossesses non souhaitées constituent une autre conséquence de la violence sexuelle. Ce type de gestation a de graves conséquences : avortements non médicalisés et suicides. 45 % des interruptions de grossesse dans le monde sont non médicalisées et responsables d’au moins un décès maternel sur douze. Chaque année, 7 millions de femmes souffrent de blessures ou d’invalidité dues à une IVG non médicalisée. Ces femmes consultent du personnel non qualifié, achètent des médicaments au marché noir, ou tentent parfois d’avorter elles-mêmes. Ces pratiques sont dangereuses et inefficaces. Lorsque l’IVG est légale, le nombre de décès et d’invalidités est réduit.
Après une agression sexuelle, les victimes sont souvent en état de choc, elles peuvent développer des syndromes de Stress Post-traumatique ou des dépressions. En outre, elles risquent de voir leur bien-être social compromis ; en effet, le viol produit un sentiment de honte dans tout l’entourage de la victime.
L’étendue du phénomène implique de sensibiliser les communautés : bien souvent, les victimes ne parlent pas des agressions subies, parce qu’elles ont peur des représailles ou n’ont pas accès à des services spécialisés. Dans tous les cas, MSF incite les personnes touchées à se confier même si l’agression est ancienne.
Pour aider les victimes de violences sexuelles, les soignants offrent une écoute attentive, confidentielle et sûre pour recueillir le récit des agressions. Idéalement, les victimes devraient être prises en charge dans les 72 heures qui suivent l’agression sexuelle, pour lutter efficacement contre le risque d’une infection au VIH. Lors de la première consultation, elles reçoivent un soutien psychologique et sont soignées si elles présentent des blessures physiques. Puis elles sont testées pour les infections sexuellement transmissibles et vaccinées contre l’hépatite B et le tétanos. Les femmes peuvent aussi bénéficier d’une contraception d’urgence. Plus tard, elles pourront faire un test de grossesse, avorter si elles le souhaitent, ou être mises en contact avec une clinique pour le suivi de la grossesse.
La clinique de Mathare (Nairobi, Kenya), mise en place par MSF, est la première clinique créée pour soigner les victimes de violences qui n’ont pas accès aux soins médicaux. Chacun peut se confier et obtenir du soutien. Ci-dessous, l’expérience d’une adolescente de 16 ans, violée par 10 hommes, qui a décidé de raconter son histoire à une soignante de cette clinique. Ce témoignage choquant montre qu’une meilleure application des lois et un changement des mentalités sont nécessaires en Afrique. Et ailleurs aussi peut-être…
« C’était la nuit, j’étais allée voir l’enfant de ma tante qui était malade. Quand je suis arrivée, j’ai vu qu’ils étaient tous endormis. J’ai donc décidé de rentrer à la maison. Sur mon chemin, j’ai rencontré des jeunes qui m’ont suivie. Ils m’ont menacée avec un pistolet et m’ont entraînée dans une maison. Ils ont arraché mes vêtements. Ils ont commencé à me violer. Quand le cinquième homme a commencé, ils étaient 10, je me suis évanouie et je ne me souviens pas ce qui s’est passé ensuite. Je me suis réveillée à l’hôpital MSF. On m’a donné des médicaments contre le VIH* et les IST* et on m’a proposé un traitement pour prévenir les grossesses non désirées. J’attendais le résultat des analyses qui a été négatif. J’ai eu un suivi médical et psychologique. Cependant, je me sens toujours mal, je ne me sens pas comme une femme à nouveau, je me déteste, je déteste la vie… »
*Infections sexuellement transmissibles
Ecrit par Agnese Berganti, Valentina Castagnoli, Silvia Giustini, Liceo Luigi Galvani di Bologna, classe 2H
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